Selon les études scientifiques, 15 à 20% de la population (soit 1 personne sur 5) est hypersensible. Mais qu’est-ce au juste que l’hypersensibilité ? Comment la définir ? Plus encore, comment vivent les personnes hypersensibles et qui sont-elles ?
À partir des travaux scientifiques actuels, je vous emmène à la découverte des différentes facettes de l’hypersensibilité pour mieux la comprendre et l’apprivoiser. Un test en fin d’article vous permettra de vous auto-évaluer pour déterminer si vous êtes hypersensible. Et qui sait, peut-être y découvrirez-vous une nouvelle facette de votre personnalité !
Qu’est-ce que la sensibilité ?
Le Larousse définit la sensibilité comme une « Aptitude à s'émouvoir, à éprouver des sentiments d'humanité, de compassion, de tendresse pour autrui : par exemple, un enfant d'une grande sensibilité ; un roman d'une grande sensibilité ».
L’hypersensibilité pourrait alors se définir comme une sensibilité « extrême ou excessive ». D’où le préfixe « hyper ». Pourtant, celui-ci peut renvoyer à une connotation négative dans le sens d’avoir quelque chose « en trop », « de trop ».
Nombre de personnes hypersensibles se sont entendu dire être « trop sensible », prendre les choses « trop à cœur » ou encore être « trop à fleur de peau ». Mais que signifie exactement être « trop » ?
Gare aux préjugés et idées reçues !
Notre société tend depuis plusieurs années à valoriser l’intellectualisation, le rationnel et la logique au détriment des émotions et de la sensibilité. Bien souvent, une personne sensible va être perçue comme ne sachant pas gérer ses émotions, « débordée », voire moins capable que les autres à effectuer certaines tâches.
Depuis des décennies, notre société a évolué suivant le modèle que les hommes ne sont pas (ou ne doivent pas) être sensibles. Ainsi, un homme devrait uniquement exprimer sa masculinité, être virile, pouvant aller dans certain cas à une interdiction de pleurer : « ne pleure pas voyons, sois fort, sois un homme ! ». A l’inverse, les femmes sont perçues comme sensibles, émotives, débordées, voire pleurnichardes : « tu es bien une femme pour pleurer devant un livre ! ».
Pourtant, les études scientifiques en psychologie montrent que le genre n’a pas d’influence en matière de sensibilité : autant d’hommes que de femmes sont hypersensibles.
De plus, les études expérimentales montrent qu’une personne perçue comme trop sensible, quelle que soit son sexe, obtiendra moins facilement un poste à responsabilité ou une promotion. Ainsi, une personne plus qualifiée mais perçue comme trop sensible aura moins de chance d’obtenir un poste ou une promotion qu’une personne moins qualifiée mais perçue moins sensible.
Pourtant, la sensibilité de l’un n’est pas celle de l’autre et notre manière d’évaluer la sensibilité chez quelqu’un dépend de notre propre perception.
Saverio Tomasella, psychanalyste et spécialisé sur l’hypersensibilité rappelle que 3 facteurs importants jouent dans notre perception de la sensibilité :
La souffrance : ce qui nous parait supportable ou insupportable physiquement ou moralement diffère d’un individu à l’autre. Tout le monde ne va pas répondre de la même manière suite à une chute ; une rupture ; une dispute avec son meilleur ami, etc.
Les convenances et les conventions du milieu familial ou social : en somme ce qui se dit ou ne se dit pas ; ce qui se fait ou ne se fait pas…
Les coutumes et les habitudes : regarder la tauromachie va par exemple en troubler plus d’un. Pour d’autres, il s’agit de leurs coutumes voire de leur culture.Comprendre l’hypersensibilité
Comprendre l’hypersensibilité
Une activation différente du système nerveux
Le système nerveux est le système de communication de l'organisme. Il est responsable de la coordination des actions avec l'environnement extérieur et de la communication rapide entre les différentes parties du corps.
Selon Elaine Aron, psychologue et spécialiste de l’hypersensibilité, chaque personne, hypersensible ou non, ressent un bien-être optimal lorsque la stimulation du système nerveux n’est ni trop forte ni complètement absente. Lorsque l’activation du système nerveux est insuffisante, cela nous rend amorphe. Par exemple, lorsque l’on s’ennuie notre système nerveux n’est pas activé dans des proportions idéales, on va alors chercher à faire des activités, boire un café, aller voir un ami, etc.
À l’inverse, une hyperactivation du système nerveux nous perturbe, génère de la confusion dans nos idées et empêche la réflexion. On va alors chercher à faire le vide dans sa tête, se mettre au calme et au repos. Pour se sentir bien, il faut donc chercher un juste milieu et trouver la stimulation idéale.
Le degré d’activation du système nerveux diffère d’une personne à l’autre dans une même situation. Ce qui signifie que chaque individu va réagir différemment face à un stimulus, être plus ou moins sensible à l’information qu’il reçoit.
Concrètement, un stimulus est un phénomène externe (ex : le klaxon d’une voiture) ou interne (ex : la faim) qui va éveiller le système nerveux. Les nerfs vont envoyer une quantité de petites décharges électriques qui vont alors alerter le système nerveux qu’un phénomène se produit. Les expressions « ça me tape sur les nerfs » ou « ça me tape sur le système » prennent alors tout leur sens !
Le fonctionnement du système nerveux des personnes hypersensibles est différent. Et être différent ne signifie pas mieux ou moins bien mais caractérise un état de fait : si vous êtes hypersensible, votre système nerveux est plus réactif, vous êtes donc plus sensible que les autres aux stimulations de l’environnement. Certaines personnes peuvent percevoir cet état de fait comme une fatalité du fait d’une caractéristique physiologique qu’on ne peut changer.
Pourtant, en situation d’hyperactivation, il est judicieux de se souvenir que :
Ce n’est pas vous qui êtes « trop » quelque chose, c’est votre système nerveux qui est trop sollicité : cela permet de prendre du recul sur la situation, d’être bienveillant envers soi-même et de moins être dans la culpabilité.
Identifier que votre système nerveux est sur-solliciter vous permet de chercher des solutions concrètes : cela vous permet de reprendre le contrôle de la situation et de vous apaiser.
On considère que le fonctionnement du système nerveux est en grande partie héréditaire, que ce soit chez l’Homme ou les mammifères. Pour autant, il n’y a pas de consensus sur le caractère inné ou acquis de l’hypersensibilité. Si en effet, le fonctionnement du système nerveux des personnes hypersensibles apparaît différent, des facteurs tels que l’environnement, le milieux familial ou culturel mais encore les expériences de vie peuvent avoir une influence.
Les différentes facettes de l’hypersensibilité
Les personnes hypersensibles vivent avec une palette d’émotions vibrantes, riches et complexes. Le fondement de l’hypersensibilité est l’intensité avec laquelle les émotions sont ressenties.
Nous ressentons tous des émotions : peur, dégoût, tristesse, colère… Mais aussi joie, sérénité, espoir… Mais nous avons souvent tendance à penser aux émotions dites « négatives » en premier. Pourtant, une émotion n’est pas fondamentalement négative ou positive (même si bien sûr, être joyeux apparaît plus plaisant que d’être triste !). Mais au fond, l’émotion a pour rôle de vous transmettre un message pour vous alerter sur une situation. C’est pourquoi il conviendrait mieux de parler d’émotion agréable ou désagréable. Par exemple, si vous êtes en colère, il est important d’être à l’écoute de votre émotion : d’une part pour en sortir, d’autre part pour éviter de vous remettre dans une situation similaire. Ne pas écouter ses émotions, c’est prendre le risque de revivre en boucle une situation déplaisante (se mettre en colère) mais aussi de passer à côté de ce qui peut vous faire du bien (ressentir de la joie).
Les personnes hypersensibles ressentent un bouillonnement émotionnel intérieur constant qui peut conduire à un état de souffrance lorsque leur hypersensibilité n’est pas détectée ou qu’elles ne savent pas comment vivre avec leur hypersensibilité.
11 caractéristiques de l’hypersensibilité :
Une intensité d’émotions débordantes : chaque émotion est ressentie intensément. Bien souvent, les personnes hypersensibles expriment ressentir les choses « sans filtre ». Tout les touche de plein fouet et elles ont le sentiment d’être « à vif », sans protection. Elles sont de véritables « éponges émotionnelles ».
Une plus grande difficulté à faire des choix : les personnes hypersensibles ont tendance à étudier toutes les possibilités et à entrer dans un long processus de réflexion avant de faire un choix. Comme elles ont tendance à analyser toutes les informations, prendre une décision peut alors être long et difficile.
Des sens aiguisés : la sensibilité aux odeurs, aux sons, aux lumières, aux goûts ou encore aux touchers est exacerbée. Une odeur peut alors devenir excessivement désagréable mais la vue d’un coucher de soleil peut être perçu comme une œuvre d’art.
Une fatigabilité importante : du fait de leurs perceptions décuplées et de l’intensité des émotions ressenties, les personnes hypersensibles se sentent plus vite fatiguée et ont souvent besoin de se retirer dans un endroit calme pour se mettre au repos.
Une grande capacité d’empathie : l’empathie est la capacité à percevoir les émotions des autres. Les hypersensibles ont généralement une perception très fine de ce que ressentent les personnes qui les entoure, allant parfois jusqu’à détailler les émotions de l’autre avant même que celui-ci n’en ait conscience. Cela peut être déroutant pour la personne qui « jongle » entre ses propres ressentis et ceux des autres.
Un sens de la justice inaltérable : les hypersensibles ont un réel sens de la justice, d’équité. Il leur est difficile de supporter une situation qui leur apparaît injuste ou inégale. Bien souvent, elles vont prendre la parole, s’interposer, venir en aide à la personne dont elles estiment qu’elle est victime d’une injustice, quitte à ce que ce que soit à leur détriment.
Un vécu de décalage : les hypersensibles se sentent souvent différents, incompris, en décalage ou en marge des autres. Il leur est parfois difficile de trouver leur place en société et peuvent alors se replier sur eux-mêmes. Il est important de rappeler que ce n’est pas la différence qui est problématique mais le sentiment de différence. Plus on se sent différent, plus on a tendance à se replier sur soi. Pourtant, il est bon de se rappeler que se sentir différent peut aussi se manifester par une affirmation de soi.
Des pleurs faciles : les hypersensibles ont la larme facile : un film, le journal TV, un livre ou encore une discussion peuvent soulever une émotivité qui fera pleurer la personne hypersensible. Mais penser que les personnes qui s’émeuvent facilement est péjoratif est une fausse idée car laisser libre court à ses émotions est un moyen de décharger les tensions et de s’exprimer.
Une pensée intuitive : la manière de penser des hypersensibles est souvent rapide et immédiate. Leur intuition leur permet de comprendre une situation ou de cerner une personne avec finesse.
Une réflexion intérieure importante : le système de pensée des hypersensibles est souvent riche et foisonnant. Ils ont une vie intérieure abondante et un questionnement incessant. Cela peut parfois être mal vécu par ces personnes qui ont du mal à canaliser leur pensée et le flot incessant d’idées ou d’images. Pour d’autres, laisser s’affirmer cette richesse intérieure leur permet d’exprimer leur créativité et d’avoir un temps d’avance sur les nouvelles possibilités qui s’offrent à elles.
Les personnes hypersensibles peuvent être Haut Potentiel (HP) : Être haut potentiel c’est avoir un quotient intellectuel plus élevé que la moyenne, c’est-à-dire d’au moins 130 sur l’échelle d’intelligence de Weschler. Il est donc possible d’être hypersensible et d’avoir un QI élevé mais cette relation n’est pas automatique.
Si on estime aujourd’hui que 15 à 20% de la population serait hypersensible, seulement 2% serait Haut Potentiel. Si les Hauts Potentiels sont presque toujours hypersensibles, tous les hypersensibles ne sont pas Haut Potentiel.
Êtes-vous hypersensible ?
Le questionnaire qui suit a été élaboré par Elaine Aron. Il ne se substitue pas à l’avis d’un psychologue et ne saurait représenter entièrement la personne que vous êtes. Mais il présente l’avantage d’offrir une grille de lecture pour vous permettre de déceler ou renforcer votre sentiment d’être hypersensible.
Répondez sincèrement à chaque question. Répondez par « oui » si cela s’applique dans une certaine mesure à vous. Répondez par « non » si cela ne s’applique vraiment ou pas du tout à vous.
Je suis conscient des subtiles nuances de mon environnement. | OUI | NON | |
L'humeur des autres me touche. | OUI | NON | |
Je suis très sensible à la douleur. | OUI | NON | |
J’ai besoin de me retirer pendant les journées frénétiques, soit au lit, soit dans une chambre obscurcie, soit dans tout endroit où je suis susceptible d’être tranquille et libéré de toute stimulation. | OUI | NON | |
Je suis particulièrement sensible aux effets de la caféine. | OUI | NON | |
Je suis facilement terrassé par les lumières violentes, les odeurs fortes, les tissus grossiers ou les sirènes proches. | OUI | NON | |
J’ai une vie intérieure riche et complexe. | OUI | NON | |
Le bruit me dérange. | OUI | NON | |
Les arts et la musique suscitent en moi une émotion profonde. | OUI | NON | |
Je suis une personne consciencieuse. | OUI | NON | |
Je sursaute facilement. | OUI | NON | |
Je m’énerve lorsque j’ai beaucoup à faire en peu de temps. | OUI | NON | |
Lorsque les autres se sentent mal à l’aise dans leur environnement matériel, je sens en général ce que je dois faire pour les soulager (changer l’éclairage, proposer d’autres sièges). | OUI | NON | |
Je perds les pédales lorsqu’on essaie de me faire faire trop de choses à la fois. | OUI | NON | |
J’essaie vraiment d’éviter de commettre des erreurs ou des oublis. | OUI | NON | |
Je fais en sorte d’éviter les films et les émissions qui contiennent des scènes de violence. | OUI | NON | |
Je m’énerve lorsque beaucoup de choses se passent autour de moi. | OUI | NON | |
La faim provoque en moi une forte réaction, perturbe ma concentration et mon humeur. | OUI | NON | |
Les changements qui se produisent dans ma vie m’ébranlent. | OUI | NON | |
Je remarque et j’apprécie les parfums et les goûts délicats, les bruits doux, les subtils œuvres d’art. | OUI | NON | |
Je fais mon possible pour éviter les situations inquiétantes ou perturbatrices. | OUI | NON | |
Lorsque je dois rivaliser avec d’autres ou lorsque l’on m’observe pendant que je travaille, je perds mon sang-froid et j’obtiens un résultat bien pire que lorsqu’on me laisse tranquille. | OUI | NON | |
Lorsque j’étais enfant, mes parents ou mes enseignants semblaient me considérer comme sensible ou timide. | OUI | NON |
Si vous avez répondu « oui » à 12 questions ou plus, vous êtes probablement hypersensible.
Rappelez-vous cependant que l’hypersensibilité se manifeste de manière différente pour chacun. Alors si vous vous reconnaissez ou que vous avez un doute, n’hésitez pas à consulter un psychologue qui pourra vous aider à y voir plus clair.
Être hypersensible c’est donc percevoir le monde avec une palette d’émotion dont l’intensité particulière colore la manière d’être et d’agir des personnes hypersensibles. Cela peut être difficilement vécu par certaines personnes qui se sentent stressée, confuse, coupable ou encore honteuse. Pourtant, découvrir puis accepter son hypersensibilité c’est apprendre à vivre en cohérence avec soi-même. Au besoin, consulter un psychologue peut vous aider à mieux vivre avec votre hypersensibilité.
Que vous soyez un homme ou une femme, sensible, très sensible ou hypersensible, l’important est d’apprendre à connaître votre fonctionnement intérieur pour adapter votre environnement au plus proche de vos besoins. Chacun est différent, l’hypersensibilité de l’un ne va donc pas être l’hypersensibilité de l’autre. Porter une attention particulière à vos émotions et les laisser s’exprimer plutôt que de les étouffer est une première étape vers l’acceptation de vous-même. Alors Ultra-sensible ; Super-sensible ; Hyper-sensible, rappelez-vous que l’important est la manière dont vous vous percevez et que vous n’êtes ni mieux, ni moins bien, vous êtes vous avec toute la sensibilité qui vous anime.
Sources :
Elaine Aron : Hypersensibles, mieux se comprendre pour mieux s’accepter. Ed. Marabout, 2019.
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